BB 12044 : le tamponnement

(auquel vous aviez aussi échappé)

 

La 12044 stationnée à l’annexe-traction avant son remorquage jusqu’au dépôt de Dole pour réparation » (Photographie J.C. Jaquet)

  

« La voiture italienne s’est dressée jusqu’à hauteur du portique des caténaires, puis est retombée sur le capot de la machine. Heureusement que ce n’était pas une machine avec cabines en bout, les deux cheminots dolois en ont été quitte pour une grosse frayeur ».
     L’homme qui parle : Jean-Claude Jaquet, témoin direct de la collision, est conducteur CFF à Vallorbe à l’époque. Il va prendre son service, marche le long des voies. A quelques mètres de lui, une voiture italienne est « tamponnée » vers la voie en impasse parallèle à celle qui « descend » de la sortie du tunnel du Mont d’Or, côté France.
     Attention, il ne se passe encore rien d’anormal : le terme « tamponner » une voiture, dans le vocabulaire des cheminots suisses, veut dire qu’elle est lancée par une machine d’un côté à l’autre de la gare. Cette manœuvre est d’ailleurs encore quotidiennement exécutée après chaque arrivée d’un convoi venant de France : la machine CFF vient remorquer celle de la SNCF jusqu’après la zone d’aiguilles (sous caténaires 15000 V – 16 2/3), puis l’envoie au lancer jusqu’au côté SNCF où, sous caténaire 25000 V, elle pourra lever son panto et évoluer par ses propres moyens vers l’annexe-traction. Pendant ce temps de l’autre côté, la loco CFF revient se mettre en tête du train pour continuer en direction de Lausanne.
     En ce matin d’octobre 1961, notre ami pour l’instant ne trouve donc pas anormal de voir cette voiture folle rouler seule sur la zone d’aiguilles côté France, sauf qu’au même moment, venant de déboucher du tunnel, arrive juste en face la BB 12044 en tête d’un train de marchandises ! Il est figé sur place, atterré, impuissant : quelques  secondes après, l’inévitable se produit, dans un fracas épouvantable. Dès que les derniers débris sont retombés et qu’ils ont confirmation que le courant est bien coupé, Jean-Claude et les autres agents présents se précipitent pour porter secours à leurs collègues. Ouf ! L’agent de l’exploitation qui se trouvait dans l’extrémité de la voiture (pour serrer le frein à main une fois arrivée sur la voie de garage) avait déjà sauté dehors, voyant ce qui allait se passer. Les deux conducteurs SNCF ont été épargnés dans leur cabine centrale.
     Il n’y a donc fort heureusement eu ni mort ni blessé dans cet incident dû à une erreur de manœuvre ce vendredi 20 octobre 1961 à 9h 40. On frissonne à la pensée de ce qui aurait pu se produire en d’autres circonstances. Mais avouons que pour un « tamponnement », ce fut un bien spectaculaire tamponnement ! Ici aussi.
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                                                               Eric Seibel

 

L’extrémité de la 12044 et la voiture après la collision (Photographie J.C. Jaquet)